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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
20 septembre 2014

LA PATERNITE DES IDEES

Un auteur trouve, assemble et sculpte des idées sous la forme qui lui convient. 

Il en jaillit de tous types de son esprit : des bonnes, des moyennes, des mauvaises et parfois des brillantes qui seront convoitées. 

Une bonne idée permet, en quelques lignes, d'avoir les trois murs porteurs d'un film : le début, le milieu et la fin.

Après, que l'auteur construise une maison avec un toit plat ou pointu, avec des baies vitrées, des fenêtres ou des vitraux d'église, qu'importe ! Les murs porteurs sont là, suffisamment solides pour supporter le poids de toutes les combinaisons artistiques.

Certains romans classiques ("Les trois mousquetaires", "le comte de Monte Cristo", etc) ont été adaptés de différentes façons mais les axes porteurs n'ont pas bougé, solides comme des rocs : début, milieu, fin.

Une bonne idée ne bouge pas, c'est le mur porteur, le concept. Plein d'idées subordonnées se greffent dessus pour l'alimenter mais l'idée de base ne bouge pas, tel le phare dans la tempête
Une bonne idée vaut de l'or et son auteur devrait être loué de l'avoir trouvée. C'est rarement le cas. Quelqu'un de plus connu que l'auteur tentera généralement de s'en attribuer la paternité.

Une idée moyenne va fatalement bouger, on la croit "mur porteur" mais elle ne l'est pas. On la bidouille dans un sens et dans un autre. On peut connaître son début mais être incapable de savoir ce qu'il va bien pouvoir se passer au milieu et à la fin. Ne livrant pas spontanément (ou rapidement) ces trois axes, elle fait s'arracher les cheveux aux auteurs et producteurs. C'est une fausse bonne idée.

Les scénaristes vont casser, réécrire, recasser et réécrire et rien n'ira jamais. L'idée moyenne a le don de créer la frustration et les mauvaises réputations. On croit que l'auteur est médiocre alors que c'est le sujet qui l'est.

La bonne idée, elle, reste droite dans ses bottes, elle fournit les axes principaux et tous les événements qui vont happer le spectateur. Elle a la particularité de créer l'émulation. 

Une bonne idée apporte de la fraîcheur. C'est un point de vue nouveau, un angle de narration inattendu. Bref, la bonne idée, c'est la source qui jaillit de la montagne !

Beaucoup de bons films sont des ersatz de films déjà sortis en salles.  On se dit en les voyant "ça m'a fait penser à..." On retrouve un goût connu, parfois plus fade, et on peut être déçu.


 Une bonne idée ne ramène pas à un autre film. Elle embarque le spectateur dans un nouvel univers.



Le souci c'est que les producteurs (pas tous heureusement !) cherchent des scénarios de type ersatz pour être sûrs de rassembler le public. Sous prétexte que si une idée a fonctionné une fois, elle fonctionnera à nouveau si on l'habille autrement.

 


 Un auteur qui n'a pas de référent fait peur parce son scénario ne se rattache à aucun film connu. 



Nombreux sont les auteurs qui abonderont dans mon sens : on nous demande très souvent de battre les mêmes oeufs et de resservir les mêmes omelettes en ajoutant quelques ingrédients nouveaux pour donner le change. 

Bref, on nous demande d'écrire du déjà vu et ce, avec les critiques que l'on sait quand les films sortent, dont la plus célèbre "Il n'y a plus d'auteurs en France". C'est faux, totalement faux ! Je discute avec suffisamment d'auteurs pour savoir que des vraies bonnes idées, il y en a ! Il y en a énormément, seulement personne ne veut prendre le risque de les développer.

 


 Une idée originale a la particularité d'exciter et de faire terriblement peur. 


 

C'est un territoire inconnu et sauvage, le producteur veut le conquérir mais en sortira t-il vainqueur ? Il a envie de se lancer, machette à la main, mais il hésite. Et s'il ressort du film ruiné ? Massacré par les critiques ? 

Venons-en enfin, à l'expression juridique de la paternité des idées.

Si un concept est nouveau et original, il va faire d'abord faire peur puis il va faire son petit bonhomme de chemin dans les esprits. Et si cette idée marchait comme le pense l'auteur ? Et si elle faisait le tour du monde comme il en est persuadé  ? 

C'est ainsi qu'après avoir fait peur, une bonne idée peut devenir l'objet de toutes les convoitises !! 

En conséquence, la paternité d'une idée devrait toujours être citée au générique sous la forme : 


"Une idée originale de ..."

 

Et ce, en plus du crédit scénario.


L'auteur qui a eu une idée brillante doit être honoré, pas volé ni écrasé sous la semelle des egos. 


 

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