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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
10 septembre 2014

RECETTE D'UN BON FILM

Un bon film, c'est comme un bon massage : en une heure, le corps et l'esprit doivent ressentir un maximum de sensations. Si un film n'apporte pas le volume de sensations auquel le spectateur s'attendait, il a envie de quitter son siège comme un patient une table de massage. Pour moi, la recette d'un bon film, c'est le volume de sensations physiques, émotionnelles et intellectuelles apporté au spectateur en l'espace de 90 mn. 

Les meilleurs auteurs et réalisateurs n'arrivent pas toujours à atteindre "le quota magique". Il arrive que les sensations soient dans le scénario mais ne soient pas dans le film et, inversement, un bon réal fera naître des sensations qui manquaient dans le script. Tout est dans le volume de sensations auquel le spectateur s'attend pour un sujet et genre donnés. 

Des films sont longs à démarrer mais vous happent à un moment donné; des films vous happent dès le début puis prennent un rythme de croisière jusqu'à vous scotcher les 30 dernières minutes.

Qu'importe l'emplacement des sensations, c'est leur volume qui compte. Et leur intensité.

Allons un peu plus loin :

Lorsqu'une personne lit un scénario ou même simplement un résumé, elle s'attribue inconsciemment un volume de sensations à recevoir

Il y a un seuil minimal pour lequel le spectateur ne se déplacera pas. Disons, pour notre exemple, qu'il est de 20 sur 100.

La personne lit un résumé de film, son "compteur mental" affiche 20% d'intérêt. Elle n'ira pas voir le film.

Une autre personne lit le même résumé, son compteur affiche 50, elle ira voir le film.

On peut en conclure qu'une personne dont l'intérêt monte à 70 court voir le film !

A partir de là, quatre cas de figure :

A) La personne est surprise par le volume de sensations : elle est emballée par le film et en fait beaucoup de publicité.

B) Elle ressent beaucoup moins de sensations qu'espéré : elle est déçue et ne conseillera à personne d'aller voir le film.

C) Elle ressent un peu de sensations mais sans plus. Elle dira que le film était moyen.

D) elle ne ressent rien : elle va mettre le film en charpie, notamment sur les réseaux sociaux.

Ce volume de sensations désirées fait s'arracher les cheveux aux producteurs qui voudraient que le film séduise le plus grand nombre de spectateurs.

Ils pensent avoir fait un super film mais, à leur grand désespoir, le film ne marche pas.  Le spectateur  n'a pas obtenu son quota de sensations attendu et le bouche à oreille n'a pas fonctionné.

Maintenant, il arrive qu'un scénario laisse un producteur de bois.  Le sujet n'a pas crée un seuil minimal d'intérêt chez lui. 

Pourtant l'auteur est persuadé que son histoire ferait "péter" le compteur à sensations des spectateurs. 

Un producteur se laisse convaincre. Le film se monte. A sa sortie en salles, le compteur des spectateurs se met à fumer et monte à 100 ! Que s'est-il passé ?

Il s'est passé que ce sujet n'interpellait peut être pas les producteurs sur le plan émotionnel mais les spectateurs, oui !
Le fait est que nous ne sommes pas des robots. Nous avons tous des émotions et désirs différents et ce, au regard de nos propres expériences.

Un producteur, et je peux le comprendre, a envie de mettre son énergie et de l'argent dans un sujet qui le toucherait lui, au cinéma. Lui aussi a besoin d'éprouver du désir et des sensations pour produire.

Hélas, son désir ne correspond pas toujours au désir des spectateurs.

La démarche de produire un film pour lequel on n'a pas de coup de coeur n'est décidémment pas évidente. Je le conçois parfaitement mais combien de succès publics restent dans les tiroirs à cause de ce paramètre émotionnel ?

La recette, si recette il y a, est de multiplier les sensations à l'écriture du scénario et à sa réalisation pour être sûr qu'un producteur s'engage sur le projet et que le spectateur :

1) soit interpellé et aille au cinéma.
2) ait son quota de sensations à la projection du film.
3) fasse de la pub pour le film.

Un auteur n'est considéré bon auteur que lorsqu' il arrive à rassembler au moins une fois dans sa vie un grand nombre de spectateurs.

Avoir de bonnes idées et savoir structurer à merveille un scénario est essentiel mais charmer le coeur du plus grand nombre, voilà, à mon avis le vrai secret.



 

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