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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
30 septembre 2014

PARALLELE ENTRE SCENARIO ET GROSSESSE

Tout commence par un désir de création,

Suivi par la rencontre d'un ovule et d'un spermatozoïde virtuels,

Certains auteurs, comme les escargots, sont hermaphrodites. A la fois mâle et femelle, ils fabriquent leurs ovules et spermatozoïdes. Lorsque ces derniers se rencontrent, l'auteur file habituellement couver sur son clavier et construit son histoire tout seul. A la naissance du "bébé", s'il n'est pas réalisateur lui-même, il cherchera une famille d'adoption qui saura prendre bien soin de lui.

Certains auteurs, par contre, sont uniquement mâle ou femelle et recherchent un partenaire créatif pour stimuler leur création. Ce partenaire est habituellement un réalisateur ou un producteur. 

Leur rencontre - s'il y a feeling - donnera un embryon que l'on appelle pitch en cinéma,

La petite graine du pitch est placée au chaud dans l'imaginaire de l'auteur/scénariste. A l'instar d'une vraie grossesse, il portera le projet de longs mois dans son univers.  

A ce point de notre grossesse, il y a deux types de "papa" : celui qui demande de temps en temps si tout va bien et qui propose des idées qui vont nourrir le projet et celui qui est très présent, parfois envahissant, paradoxal et déstabilisant.

Il peut y avoir conflits et reproches mutuels à ce stade de développement. On n'est plus d'accord sur la frimousse à donner au petit script ! Je veux qu'il ait mon nez ! Non, je veux qu'il ait le mien ! Il aura mes yeux ! Ok, mais il aura mon sourire. Ah non pas ton sourire ! La grossesse de l'auteur peut être vraiment agitée !

Au fil des mois, les diverses combinaisons scénaristiques et artistiques se mettent à peser lourd dans l'esprit de l'auteur/scénariste. 

De deux choses l'une : s'il est inspiré, il sera en décalage total avec le quotidien, ce qui irritera considérablement son entourage proche.

S'il n'est pas inspiré, c'est lui qui sera irrascible avec son entourage... 

Côté professionnel, plus les semaines passent, plus on est curieux de voir la frimousse du petit script qui sera mis au monde.

L'échographie du 3ème mois est une V1 dans le jargon cinéma. Le papa se pose plein de questions. Est-ce que le petit scénario est normal ? Est-ce qu'il a bien toute sa structure ? Ses trois actes ? Sa chute ?Est-ce que ses dialogues sont bons ? 

Au regard de toutes ces interrogations, l'auteur qui était confiant sur le développement de son bébé peut se mettre lui aussi à douter et peut traverser un moment de découragement jusqu'à la prochaine échographie, la V2. La pression monte...

Sans oublier les petites prises de sang de temps à autre, sous forme de réunion de travail, pour voir si tout va bien.

A partir de là, le "papa" est beaucoup plus présent, plus exigeant aussi. Il lui arrive même de vouloir changer entièrement la structure du petit script. La "maman", souvent éprouvée par tout ce que son imaginaire a mis en place est rarement d'accord. Elle veut bien faire des retouches mais pas tout changer. Le "papa" n'a pas l'air de voir le travail que cela représente de tout recommencer ! Les frictions sont possibles et quand c'est le cas, elles sont moralement épuisantes. 

- Mais si, il faut retirer un personnage, tu vois bien qu'il ne sert à rien ! 
- Mais si je l'enlève à ce stade du développement, ça va perturber toute ma structure, c'est du temps de travail en plus et moi je veux accoucher, je pèse du plomb, j'en peux plus, tu aurais dû y penser avant  ! 
- Je te quitte si tu le retires pas !

Voilà comment peut se dérouler une grossesse cinématographique... Mais il y en a, fort heureusement, qui sont très sereines avec un soin considérable apporté à la "maman", notamment financier.

Et puis vient le jour de la livraison. L'auteur et le papa sont là face au docteur/producteur. Ils sont stressés, ils scrutent avec anxiété les traits du docteur/producteur. S'il est détendu et affable, c'est que le bébé est beau. S'il est tendu, c'est que le bébé a un problème...

S'il est beau et parfait, le papa le brandira au public en disant  "C'EST MON ENFANT !".

Il oubliera souvent de mentionner la maman/auteur qui a porté le projet en son sein pendant de très longs mois... 

Il promènera partout l'enfant et les gens se pencheront sur lui et s'émerveilleront : "Oh ! Comme il te ressemble !"

Et puis il y a les papas/réalisateurs qui refusent de promener l'enfant sans la maman/auteur accrochée à leur bras... Que les dieux de la création les bénissent !

 

 

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