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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
19 novembre 2022

LES IDEES ET LES METIERS

Qu'est-ce qu'un auteur ?

C'est quelqu'un qui a des idées et les met en forme pour en faire un produit abouti écrit de type roman ou scénario.
 


Qu'est-ce qui fait la valeur d'une idée ? 

La conviction que l'auteur a de cette idée et la conviction
des personnes à qui il va la présenter. Une belle idée est avant tout un concept qui se véhicule facilement. Un bouche à oreille efficace repose sur un pitch ingénieux et facile à raconter.

A part quelques exceptions, vous verrez que les films qui ont emporté l'adhésion du public étaient des films portés par des concepts simples à raconter.

On dit "j'ai vu un film incroyable, c'est l'histoire de..." et le spectateur raconte en quelques mots l'histoire du film. 

Quand un spectateur a un concept clair du film qu'il a vu, il le transmet à son entourage. Quand il n'a pas eu ce concept clair, le bouche à oreille ne se fait pas.

Une personne dit : "j'ai vu un film étonnant, c'est l'histoire d'un fantôme qui se prend pour un être humain". Voilà le pitch du film de N. Night Shyamalan "Le sixième sens"'.  Onze mots le résument. Onze mots pour un succès planétaire.

 


 Le fait d'avoir de bonnes idées fait-il d'une personne un auteur ?

Non. Un auteur est une personne qui sait développer ses idées sous une forme artistique aboutie. En d'autres termes, une personne qui a de très bonnes idées est juste une personne qui a de très bonnes idées. Un boulanger peut avoir une très bonne idée de film sans être scénariste tout comme un scénariste peut réussir une tarte sublime sans être pâtissier !

A l'identique, un dentiste peut découvrir un rebondissement majeur que vous, en tant qu'auteur, n'arriviez pas à trouver pour votre scénario...Cela ne veut pas dire que ce dentiste sait écrire un scénario, cela veut dire qu'il a eu une idée de génie.

Quand cela arrive, le scénariste est démoralisé : "Mais pourquoi diable ce mec a-t-il trouvé cette idée que je cherche depuis des semaines ?" Parce qu'il a apporté un point de vue extérieur à quelqu'un qui était tout intériorisé dans son sujet.

Une grande confusion règne sur les métiers artistiques du fait des idées brillantes que les uns et les autres peuvent avoir à un moment donné. On ne sait pas comment récompenser ces idées brillantes et certains en profitent pour demander des statuts de co-auteur non justifiés.

Dans la vie courante, une personne qui a réussi un pain sublime ne se proclame pas aussitôt boulanger. Dans le cinéma, une personne qui a de bonnes idées peut se proclamer auteur et revendiquer le statut de co-auteur. Cela ne fait pas d'elle une personne capable d'écrire des scénarios à l'année. Vous voyez ?

Imaginez, vous louez un appartement et au bout de quelques temps vous croisez votre locataire. Il dit qu'il a repeint les murs, mis une super déco et que l'appartement est magnifique. Ok, est-ce que cela signifie qu'il doit devenir co-propriétaire ? Non. Cette personne a façonné VOTRE appartement à son univers mais l'exposition de l'appartement est toujours au Sud, vos murs porteurs sont toujours à leur place, la situation de vos pièces est toujours la même. Bref, vous restez propriétaire de votre bien. 

Cette revendication arbitraire du statut d'auteur engendre des traumatismes et des conflits énormes. Nous avons le locataire d'une idée qui veut brusquement devenir propriétaire. Personnellement, je n'ai jamais vu un scénariste ayant de bonnes idées de réalisation demander à être crédité en tant que co réalisateur d'un film... Tout comme je n'ai jamais vu un scénariste trouver des sources de financement ou des décors se décréter producteur ou régisseur.  

Bref, notre METIER est celui que l'on fait à l'année, pas celui que l'on pratique ponctuellement ou en excellent amateur.


Un adaptateur est-il co-auteur d'un projet ?


Non. Un adaptateur ne devient pas systématiquement l'auteur du texte qu'il aménage. Il est auteur de son adaptation. Quand Jean-Jacques Annaud et Gérard Brach adaptent "L'amant" de Marguerite Duras, ils ne se proclament pas auteurs de l'idée et du roman... Ils sont auteurs de leur adaptation. Point.

A l'identique, quand un réalisateur adapte le scénario d'un auteur, il devient adaptateur d'une oeuvre existante, pas co-auteur et ce, même si son travail d'écriture est conséquent.  

Nombreux sont ainsi les scénaristes de ciné "in spec" (qui développent un scénario ABOUTI sans production) qui voient revenir vers eux des scénarios adaptés avec la mention arbitraire de co-auteur du réalisateur. Les réalisateurs ont adapté le travail de ces scénaristes à leur univers et se sont attribués d'office le statut de co-auteur, comme s'ils avaient eu conjointement l'idée avec l'auteur initial.

Même s'il est rentré dans le scénario, il n'en reste pas moins adaptateur d'un scénario existant. Il proteste en disant : "oui, mais j'y ai passé du temps et j'ai eu de bonnes idées".

On est bien d'accord, sauf qu'il y a une nuance : il a passé du temps sur SON ADAPTATION et ses belles idées sont nées grâce à une idée et texte existants...

Quoi qu'il clame sur tous les toits du 7ème art, il sera et restera l'auteur de son adaptation, pas de l'idée original ni du scénario initial.

Maintenant, le scénariste qui avait développé le script peut accorder la mention de co-auteur au réalisateur sous certaines conditions. Tout dépend du contexte de production, de l'originalité de l'idée et surtout de la qualité des relations entre les gens. Un auteur qui se sent en confiance, qui est très complice et qui éprouve une vraie affinité pour le réalisateur acceptera souvent (et souvent volontiers) de partager le crédit scénario avec lui. 

 La mention suivante sera alors retenue pour le générique : 


 

Un film de "nom du réalisateur"

 

Une idée originale de "auteur de l'idée"

 

Scénario et dialogues : "nom de l'auteur", "nom du réalisateur"

 


 

Que se produit-il lorsque le réalisateur demande de l'aide à un auteur sur une de ses idées personnelles ?

Tout dépend de l'état d'avancement du projet. Si le projet est très abouti, bien dialogué mais qu'il subsiste quelques faiblesses de structure et de rythme, l'auteur interviendra comme script-doctor et ne sera pas crédité en tant que co-auteur.

Si le scénario demande un vrai travail de scénarisation et de dialogues, le réalisateur acceptera habituellement de partager son crédit scénariste au générique.

Ce qui pourrait donner à l'écran :

 


 

Un film de "nom du réalisateur"

 Une idée originale de "nom du réalisateur"

Scénario et dialogues : "nom du réalisateur", "nom du scénariste"

 


 

Si le réalisateur veut garder toute la paternité de l'oeuvre, la prestation du scénariste pourra être rétribuée sur un forfait de script-doctoring et ce forfait sera très élevé. (à la mesure du manque à gagner sur les %, remake possible, etc.)

Personnellement, je trouve légitime de toujours mentionner la paternité de l'idée au générique, qu'elle soit de l'auteur, du réalisateur ou de quelqu'un d'autre.

 L'idée est toujours la pierre d'angle d'un projet. C'est la source qui jaillit de la montagne.

 


 Quelle est la différence entre un adaptateur et un adaptateur libre ?


Déjà, tous les deux s'appuient sur des oeuvres  dont ils n'ont pas eu l'idée eux-mêmes. 

L'adaptateur essaie de coller le plus possible à l'oeuvre initiale. Il essaie d'en retranscrire le plus fidèlement possible l'intrigue et les émotions.

L'adaptateur libre, lui, s'appuie sur la matière d'un roman ou d'un scénario existant mais créé une variante de l'histoire. Il peut changer d'unité de temps (comme Claude Lelouch dans "Les misérables"), retirer ou ajouter des personnages, etc.

 


 CONCLUSION

Les choses se passeraient très simplement si chacun faisait son métier sans loucher sur celui du voisin.

 


 

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