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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
31 mai 2008

LE PARCOURS DU COMBATTANT !

Avant la nouvelle vague, l'écrivain de cinéma était considéré, apprécié et respecté... La paternité d'un film lui revenait. On disait : "c'est un scénario de Jean Ferry, de Henri Jeanson, de Jean Manse, de Michel Audiard, de Jean Aurenche..." Aujourd'hui on dit : "c'est un film de..." et on cite le réalisateur. Le fait est qu'on admire davantage celui qui met l'idée en scène que celui qui l'a imaginée et développée...

En lançant la mode de l'auteur-réalisateur, la nouvelle vague a gommé l'apport créatif du scénariste. Et pourtant, nombreux sont les auteurs-réalisateurs qui font appel aux scénaristes pour les aider à structurer ou dialoguer un récit...

Hélas, ces auteurs sont souvent considérés comme de simples collaborateurs, pas comme des artistes qui méritent reconnaissance.

De ce fait, ils ne sont pas toujours traités, rémunérés et cités au générique à la hauteur du travail créatif effectué...

Ainsi, au lieu de dire : "Il n'y a plus de scénarios en France", on devrait dire :

"Il y a des réalisateurs qui ne sont pas toujours auteurs ou scénaristes" 

ou

"Les diffuseurs ne veulent que des films politiquement corrects (car tout film de cinéma soutenu par une chaîne ne l'est que si le sujet est "montrable" en prime time à la télé)

 Il me semble qu'il y aurait un peu plus de vérité dans ces deux formules. Le scénariste est sous le feu constant de ces deux paramètres et sa marge de manoeuvre en est très réduite. 

Notez aussi que beaucoup d'amateurs envoient des scénarios aux productions, ce qui fait que certaines sociétés reçoivent jusqu'à 400 projets et plus par an dont 90 % sont inexploitables au cinéma.  Les 10% restants ne seront peut être jamais découverts du fait de ces envois spontanés qui submergent les productions.

Nous pourrions dire aussi que trop de scénarios tue le scénario.

Pour écrire un scénario, il faut :

a) un sujet susceptible d'intéresser une majorité de gens et qui ouvre des pistes dramaturgiques.
b) une grande rigueur de travail et une grande persistance,
c) apprendre à transformer l'imaginaire en mots (le réalisateur fera le chemin inverse en transformant les mots en visuel)
d) une imagination féconde,
e) un sens aigu de la dramaturgie,
f) l'humilité : aptitude à prendre du recul sur son travail pour pouvoir l'améliorer.

Sans recul, le scénariste ne sait pas donner une valeur à son travail. En d'autres termes, il ne sait pas déterminer le moment où son texte est suffisamment abouti pour le donner en lecture. S'il le donne trop tôt, il risque un refus catégorique.

Les grands auteurs arrivent à écrire et à avoir en même temps du recul sur leur travail. Autrement dit, ils arrivent à lire leur texte avec le point de vue d'une autre personne et peuvent ainsi s'auto-corriger. Certains n'ont pas cette aptitude et demandent à des tiers (professionnels du cinéma ou non) de lire leur texte pour obtenir un avis. Certains autres laissent reposer le texte quelques temps puis le relisent avec un oeil critique. En construisant son histoire, le scénariste doit agencer les situations au plus près de la vie tout en amenant ce petit plus qui fait que non seulement on va approuver l'histoire mais qu'on va être emporté par cette fantaisie qui démarque les films du simple quotidien. Autrement dit, on va au cinéma pour voir les grands thèmes de la vie sous un angle différent et cet angle est parfois dur à trouver pour le scénariste. Il y a de multiples façons de traiter un sujet mais quand le scénariste choisit le traitement qui résonne le moins chez le spectateur, celui-ci décroche et se sent en furieux désaccord avec l'histoire. On a tous vécu cette frustration...

Cela dit, les goûts et les couleurs font que certains angles de traitement plaisent à certains spectateurs et pas à d'autres mais le but du scénariste est tout de même de trouver le traitement qui emportera l'adhésion du plus grand nombre.

La méthodologie scénaristique est très pointue. Tout le monde peut écrire mais tout le monde ne peut pas écrire un scénario... Il y a vraiment une mécanique à connaître et à maitriser. Le scénariste doit donc réussir, par un jeu de construction et de dialogues habiles à emporter l'adhésion du plus grand nombre de spectateurs. Hélas, du fait de la vision imposée d'images, les spectateurs sont toujours beaucoup plus exigents que les lecteurs...

 

Le travail des accords et désaccords

Dans un film, le spectateur va réagir émotionnellement aux images  et ce, en faisant un travail d'accords et de désaccords. Plus il est d'accord avec ce qu'il voit, plus il aime le film. Plus de désaccords il a, moins il adhère au film.

Et plus de désaccords il a, plus il pense qu'il a raison et que le film est dans le faux et ce, même si des millions de personnes l'ont aimé. C'est ainsi que pour un même film, on peut avoir des critiques extrêmement négatives et d'autres dithyrambiques Et c'est ainsi que les meilleurs scénaristes peuvent, de temps à autre, viser à côté et bâtir des histoires auxquelles un minimum de spectateurs adhèrent.

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