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Maryline Mahieu, scénariste, script-doctor
14 mai 2008

LA THEORIE DU BANKABLE ET DU COUP DE COEUR

 

salle

 

Un film se monte en règle générale sur le nom d'un ou de plusieurs comédiens et/ou celui du réalisateur. En gros, quand on dit d'une personne qu'elle est "bankable", on dit qu'elle peut générer de l'argent.

La règle en vigueur est celle-ci :

1) Les financiers rassurés par la popularité d'un(e) acteur(rice) ou réalisateur(trice) investissent sur le film.

2) Le public qui aime les comédiens ou le réalisateur(trice) va plus facilement voir le film et donc, génère de l'argent qui permettra d'amortir le film et de créer des bénéfices qui pourront être réinvestis dans la production d'un nouveau film.

La réalité nous a montré à maintes reprises que la règle du "bankable" était loin d'être infaillible. L'histoire du cinéma est jalonnée de films qui ont été des gouffres financiers bien qu'ayant été montés sur des casting de rêve. Le fait est que public a boudé les histoires racontées dans ces films.

N'ayant pas la recette du succès, les financiers continuent malgré tout, à se cramponner à la théorie de la notoriété et de la bankabilité. Les artistes dont les films ont fait recette sont constamment sollicités au détriment d'autres, tout aussi talentueux.

Comment devient-on bankable ? Il suffit d'être dans le bon film au bon moment :

- Le public va voir un film
- il adore l'histoire
- il parle du film autour de lui
- le bouche à oreille se répand comme une traînée de poudre
- l'acteur(trice) qui jouait dans le fim voit sa cote de popularité grimper
- il(elle) devient un(e) "people" et sa bankabilité est assurée

A contrario, comment ne devient-on pas bankable ? Il suffit d'être dans un film qui n'a pas emporté l'adhésion du public et ce, même si l'on a très bien joué :

- le public va voir un film
- il n'aime pas l'histoire
- il ne fait pas de publicité pour cette histoire
- le bouche à oreille ne se fait pas
- l'acteur(trice) voit sa cote de popularité chuter

Si vous analysez bien la situation, vous réaliserez que le public adhère en premier lieu à l'HISTOIRE, pas au casting... 

A partir de là, on peut se poser la question de savoir si une belle histoire jouée par des inconnus attirerait autant le public que si elle était jouée par des acteurs connus ? Si ce film est accompagné d'une bonne campagne de communication, je pense que oui. 

Maintenant relevons le paradoxe suivant :

Si le public affectionne certains comédiens il ne se déplace pas toujours pour les comédiens qu'il affectionne.

Ce paradoxe est une vraie torture pour les financiers mais si vous êtes objectif, vous verrez que le problème est désarmant de simplicité : les gens se déplacent d'abord pour les HISTOIRES...

Il faut donc écrire et mettre en scène des histoires qui éveillent l'intérêt des gens !

C'est ainsi que l'on arrive à la deuxième théorie.

 


La théorie du coup de coeur

Les réalisateurs et producteurs français fonctionnent beaucoup sur ce paramètre. Le réalisateur veut souvent réaliser un sujet personnel et, de son côté, le producteur cherche "le coup de foudre" qui lui donnera l'énergie de se battre pendant des mois, voire des années pour le monter.

Parfois, et c'est une chance, le sujet personnel du réalisateur déclenche le coup de coeur du producteur et le projet démarre. Parfois, ce film fera l'unanimité chez le public, parfois non...

Le moteur de l'industrie cinématographique française est principalement l'affect. Hélas, nous savons tous que l'affect n'est pas toujours rationnel. Il est souvent trompeur et source de désillusions... 

Le coup de coeur du producteur pour un sujet se termine parfois en douche froide au regard du box-office. Le fait est qu'on préfère, en France, défendre un projet qui nous a plu personnellement qu'un projet susceptible de plaire à des milliers de personnes.  

Et je ne vous parle pas des distributeurs et des exploitants qui peuvent aussi faire obstacle, au regard de leur propre affect, à la production d'un film qui pourtant, s'il avait été réalisé, aurait rassemblé un large public...

Nous avons tous en tête des films qui sont sortis dans moins de 10 salles et qui méritaient plus que certains films au casting prestigieux, tirées à 500 copies et qui ont été des flops retentissants et des gouffres financiers.

Mon sentiment est que l'on n'attache pas suffisamment d'importance au désir du public. L'erreur récurrente est de faire des films pour "se faire plaisir".

N'oublions que le public est encore, à ce jour, celui qui rapporte le plus d'argent au cinéma...

 


Scénariste et bankabilité, la grande loterie...

Certains scénarios sont adaptés par le réalisateur (voire même par le producteur). De ce fait, un scénariste qui n'a pas l'ambition de réaliser voit ses histoires complètement transformées sur le plan conceptuel.

On peut dire que la bankabilité de l'auteur relève totalement du hasard :

1 - un film qui s'est écarté du scénario initial est un échec : le scénariste perd de sa crédibilité alors que son scénario a été complètement transformé. L'auteur souffre.

2 - un film s'écarte complètement du scénario initial mais le film est un succès : le scénariste devient bankable pour une histoire qui, au final, n'est pas la sienne. Il peut en jouer pour sa carrière ou en souffrir terriblement...

3 - un film colle parfaitement à l'esprit du scénario et le film est un succès. Non seulement la bankabilité de l'auteur est assurée mais en plus, il est fier de son travail.

4 - un film colle parfaitement au scénario mais le film ne marche pas. La bankabilité de l'auteur est remise en cause et il est déçu.

Comme vous le voyez, trois situations sur 4 peuvent rendre un auteur malheureux !

N'est-il pas préférable de devenir bankable pour une histoire que l'on a écrite que de l'être pour une histoire qui ne nous ressemble plus ?

Ne vaut-il pas mieux perdre sa crédibilité pour une histoire que l'on a vraiment écrite qu'être reconnu pour une histoire qui a été largement modifiée  ?

Deux questions importantes sur lesquelles méditer.  

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